D'où vient votre passion pour la pipe ?
C'est une passion qui est venue un peu par hasard, en 2012, en achetant un lot de pipes d'occasion sur Internet. J'en avais gardé l'une ou l'autre pour moi, et au lieu de jeter les autres, je les ai nettoyées et revendues. Et puis racheté d'autres pipes pour les restaurer et ainsi de suite. Pendant deux ou trois ans, j'ai fait cela avec de plus en plus de passion, et en m'équipant davantage.
Au fil des rencontres, j'ai été intronisé en octobre 2013 à la Confrérie de Saint-Claude et le dimanche suivant la cérémonie du vendredi, j'ai passé la matinée à l'atelier de Pierre Morel, que je rencontrais pour la première fois. En le voyant travailler, j'ai eu comme un déclic et il m'a proposé de passer une semaine avec lui afin de m'apprendre certaines choses. Il m'a rapidement trouvé un fameuse "machine à floquer", qu'il m'a apportée au printemps 2014. J'ai donc pu commencer à monter des pipes avec des têtes ébauchées que je me procurais à Saint-Claude. Ensuite, j'ai voulu fabriquer mes propres pipes, la première date de janvier 2016. Depuis cette passion n'a pas faibli puisque c'est aujourd'hui mon métier.
Bruno Nuttens
Comment êtes-vous devenu artisan pipier ?
J'ai été formé par Pierre Morel, qui depuis 2013 a constamment été là pour me soutenir, pour me donner des conseils ou des "combines" comme il les appelle. Il a toujours et est toujours enclin à me transmettre ses connaissances sans retenue, que ce soit lorsque je vais lui rendre visite, ou quand nous discutons longuement au téléphone plusieurs fois par semaine. Pierre est celui qui a attisé la flamme de cette passion pour la pipe, et c'est aujourd'hui un ami très cher.
Bruno Nuttens
En 2019, Tom Eltang m'a invité à venir une semaine chez lui à Copenhague afin d'apprendre d'autres techniques, et une autre manière de travailler. Cette invitation fut bien entendu une bonne surprise pour moi, mais surtout très riche d'enseignements. J'en garde un excellent souvenir, et j'ai de suite appliqué les conseils reçus et les techniques apprises.
Outre le fait d'être formé par des maîtres, il faut également pratiquer beaucoup et y consacrer du temps. J'ai été durant 10 ans développeur freelance, et j'avais donc cette chance de travailler chez moi. J'ai donc pu conserver mon ancien travail, tout en développant mon activité dans la pipe. Alors certes, j'ai fait des journées à rallonge pendant quelques années, le jour devant l'ordinateur, et le soir, tardivement, à l'atelier, mais je ne regrette pas aujourd'hui d'avoir peu dormi. Et bien entendu, ma femme m'a toujours soutenu dans cette reconversion.
Selon vous, quelles sont les qualités indispensables pour exercer ce métier ?
Je ne vais pas être très original, mais il faut être passionné, bien sûr, et chercher constamment à faire mieux. Car on peut toujours faire mieux. Etre ouvert aux critiques constructives que l'on peut avoir de confrères ou de clients. Et continuer à se former.
J'ai toujours en tête cette citation affichée dans l'atelier de Pierre "Pas de discours, des preuves". J'essaie de la mettre en pratique tous les jours.
Bruno Nuttens
D'où viennent vos sources d'inspiration ?
J'ai au début été inspiré par les pipes de Paolo Becker notamment, qui réalisait entre autres des pipes aux tiges assez fines. Cela leur conférait une certaine élégance. Mais pour un pipier, le tout n'est pas d'être inspiré. Il faut pouvoir trouver une forme (voire plusieurs) qui nous soit propre, un style personnel, ce qui est assez compliqué car tout, ou presque, a déjà été fait. De là j'ai travaillé sur des pipes aux tiges très fines, aux alentours de 7.5mm de diamètre, parfois moins pour finalement créer un modèle que j'ai appelé "Twiggy" (twig en anglais veut dire "brindille"). C'est le modèle que je fabrique le plus aujourd'hui. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cette pipe n'est pas si fragile que cela, la tige étant renforcée par un tube en inox.
Aujourd'hui, de part mon parcours et les rencontres que j'ai pu faire, je trouve aussi un peu mon inspiration dans le style danois.
Bruno Nuttens
Souhaitez-vous ou aimeriez-vous devenir MOF (Meilleur Ouvrier de France) ?
Si j'étais amené à le faire, je le verrai davantage comme un défi personnel car je sais que la barre est très haute et le concours très exigeant.
Bruno Nuttens
Lors de vos créations, cherchez-vous à connaitre les attentes des clients ou laissez-vous parler votre imagination en pensant séduire un public ?
Je propose deux types de pipes. D'abord les séries "Heritage" et "Vintage Collection", que je fabrique à partir de têtes ébauchées en usine ou provenant de vieux stock sanclaudiens, et qui sont essentiellement des formes classiques. Et les formes classiques, ça plaira toujours.
La série "Vintage collection" a une particularité, toutes les pipes sont majoritairement lisses, avec un tuyau en acrylique imitation ambre et surtout une bague ciselée plaquée argent, datant d'au moins 70 ans, qui confère à la pipe un look vintage. Je n'ai à ce jour vu personne d'autre utiliser ces bagues. C'est une manière de se démarquer un peu et de proposer quelque chose qu'on ne voit pas ailleurs. Mais cela se joue au niveau de la finition et de l'aspect général de la pipe. Les formes restant classiques.
Bruno Nuttens
Ensuite, avec mes pipes entièrement réalisées à la main à partir de matériaux bruts (bruyère italienne essentiellement, ébonite et cumberland allemands), je réalise bien entendu des pipes sur commande, des modèles spécifiques que me demandent mes clients. Mais c'est avec ces pipes fait main que je peux davantage laisser libre cours à mon imagination, à mes envies du moment.
J'ai d'autres projet de pipes en tête pour le futur. Une nouvelle série sortira normalement courant 2020, mais il me faut encore travailler dessus...
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